13 DECEMBRE 2010
Ainsi, comme par génération spontanée, deux parias de l’existence auraient réussi par conjugaison abstraite, sans jamais se rencontrer, à révolutionner le monde de l’information sur internet grâce à Wikileaks.
D’un côté le gamin Bradley Manning, 23 ans, un « bleusaille » de l’armée américaine doté de connaissances informatiques, et envoyé en Irak en 2007. Sa mère divorcée avait quitté le mari américain et regagné son Pays de Galles avec le fiston. Renvoyé par elle chez son père aux USA, il avait été jeté à la rue par lui pour son homosexualité, et il vécut dans une voiture avant de se connecter sur internet.
De l’autre l’Australien Julian Assange, un autre « routard » fils d’un comédien ambulant. Sa mère avait fui avec lui son second mari musicien. Le jeune garçon connaît 37 écoles différentes, avant lui aussi de tripoter un clavier.
Manning contacte un jour Assange, nul ne sait comment ni pourquoi, en tout cas ils ne se sont pas rencontrés, pour lui fournir des milliers de dossiers secrets récupérés selon lui dans les archives des USA.
Ainsi sortent d’abord les 80.000 dossiers américains sur l’Afghanistan, puis les 250.000 dépêches d’ambassades américaines à l’étranger.
On doit croire au père Noël avec nos petits-enfants dans cette époque sacrée, mais entre adultes, posons-nous quelques questions :
1/ Comment Bradley Manning, un gamin de 23 ans, soldat sans aucun grade et donc privé de tout accès même limité aux salles informatiques secrètes de la CIA (sinon j’ai peur pour la sécurité américaine soi-disant bétonnée après la tragédie du 11 septembre 2001), peut-il s’asseoir devant un ordinateur, y glisser un CD de Lady Gaga (je n’invente rien), et enregistrer comme dans le premier café internet, sur ce même CD de Lady Gaga, des centaines de milliers de données du Département d’Etat, avant de repartir avec son sac comme s’il sortait du gymnase ? Si c’est vrai, ce n’est pas seulement lui qu’il faut condamner à 52 ans de prison (la menace qui pèse sur lui), mais aussi tous ses supérieurs, Hillary Clinton, et le chef de la CIA, voire le président.
2/ Comment Julian Assange a-t-il pu diffuser en décembre, soit près de sept mois après la détention de Manning par le FBI dans son siège de Quantico (Virginie), les 250.000 documents du Département d’Etat, sans qu’aucun spécialiste hacker des services secrets, ou aucun agent secret sur le terrain, tous informés des menaces de publication par un confident de Manning, Adrian Lamo – qui l’avait dénoncé – n’aient pu intervenir dans l’intervalle pour récupérer le matériel, y mettre un virus mortel, ou « glisser une peau de banane » sous les pieds de Julian (je ne justifie rien, j’analyse) ? J’ai de plus en plus peur pour la sécurité des Etats-Unis.
3/ Pourquoi une sélection évidente des dépêches a-t-elle été réalisée, au nom de quels intérêts et par qui ? Car des pans entiers des archives américaines manquent dans Wikileaks, quand on connaît la productivité des ambassades et de leurs services secrets. Je vois mal Manning ou Assange, ni l’un ni l’autre avec la moindre formation de journaliste, opérer un choix en mettant à la corbeille de leur PC les documents selon eux sans intérêt. Aucun des cinq grands médias mondiaux récepteurs de ce filon n’ont ni posé la question aux fournisseurs, ni ne se la sont adressée quand le bonheur d’un scoop gratuit – ils sont tous en difficulté, voire au bord de la faillite comme Le Monde – les a émus au point de leur faire éluder les risques de la manipulation, une donnée permanente de l’information, et je sais de quoi je parle.
4/ Aucun des câbles diffusés ne met en difficulté les USA, bien au contraire. C’est là où le bât blesse. Je n’ai lu aucun pli de l’ambassadeur américain avant, pendant ou après le coup d’Etat manqué contre Hugo Chavez le 11 avril 2002 (j’y étais pour l’AFP). Et pourtant, ce doit être gratiné ! L’ambassadeur US avait rendu visite dès l’aube du 12 avril au putschiste Carmona à Caracas pour lui transmettre l’appui des USA, avant la débandade de cette clique d’extrême droite.
Conclusion :
Je ne vois dans cette opération Wikileaks qu’une manipulation de services américains, avec ou sans le contrôle d’Obama – qui a mis étrangement beaucoup de temps à dénoncer l’affaire -, pour un objectif de diversion encore à apprécier, et que j’ai initialement attribué à la volonté de cacher le scandale mondial des banques, toujours aussi crucial.
D »après ce que j’ai pu lire à ce sujet, et ce que je crois comprendre, ce serait plutôt une opération principalement pour montrer la quasi-unanimité des réactions et inquiétudes des états et gouvernements, et surtout la majorité de ceux du Moyen Orient, envers les fous furieux qui gouvernent l’Iran et surtout leur programme nucléaire militaire. Démonstration qui permettrait d’envisager une opération (laquelle?) contre les sites nucléaires iraniens, voire laisser Israël s’occuper du problème: cela fait pas mal de temps qu’Israël est prêt à intervenir contre les site iraniens, comme ils l’ont fait en Irak dans les années 80 et contre la Syrie il y a peu de temps.
Quant à votre analyse sur les 2 « guignols » Manning et Assange, elle me parait frappée au coin du bon sens!
Et puis merci d’avoir rouvert votre blog, mais on a pas forcément toujours des commentaires pertinents à publier.
Pour compléter ce que dit « Hervé », il me semble qu’Israel a déjà frappé par 2 fois ces dernières semaines en Iran en téléguidant virtuellement
le virus sélectif Stukxnet à l’endroit de leur centrale nucléaire l’immobilisant ainsi pendant plusieurs mois au moins (à titre d’ultimatum, je pense) et ensuite en créant des incendies dans les silos des missiles
les plus avancés (soit avec des drones incendieurs, soit par bombes à retardement déposées avec d’heureuses complicités…).
Mis à part les US et les Chinois seuls capables d’égaler les Israéliens, le style de ces 2 attaques trahit selon moi leur signature comme en Irak.
Verra-t-on un jour, pas si lointain je pense, un commando Colombien
(formé par les Israéliens) aller s’occuper des quelques dizaines de
missiles moyenne portée en train d’être implantés au Venezuela,
courtoisie de l’Iran ?
Si ce n’est pas un commando, on imaginera du téléguidage … ou une
révolte populaire locale et adjacente fort à propos.
@Mr Thomet:
Ref. l’appel à traduction : Si je trouve le temps, je traduirai mais en
simplifiant, car l’article est …long !
Sans le désirer, je me trouve à traduire beaucoup de choses en ce
moment car l’heure est de plus en plus grave mondialement.
Erreur de ma part:
« ….missiles moyenne portée en train d’être implantés au Venezuela,
courtoisie de l’Iran ? »
Aurait dû se lire « ….. courtoisie de la Russie ? »
Complément d’information:
- Cette centaine de missiles russes a été achetée … à crédit pour
un montant de ~ 2.2 milliards de U$.
C’est l’équivalent pour le Venez de ~ x80.000 habitations.
Il fallait évidemment protéger le peuple vénézuélien des habitations
déjà construites ….
Bonsoir, j’ai mentionné votre article lors de ce débat :
http://www.enquete-debat.fr/archives/analyse-de-lactualite-de-novembre-2010-par-3-intellectuels
Assange, ancien hacker a toujours été un gauchiste (en Suède, il était à un congrès social-démocrate)
Manning , homosexuel, n’était pas n’importe quel soldat, mais un analyste travaillant pour le renseignement opérationnel, et également grand fan de hacking, c’est d’ailleurs à cause de cela qu’il s’est fait attraper
les Warlogs afghans et irakiens ne sont pas vraiment bons pour l’image des États-Unis
Les cinq quotidiens qui ont eu les révélations sont tous de gauche : Le Monde, The New York Times, The Guardian, El Pais et Der Spiegel
Pas de dommages aux USA ?
http://www.slate.fr/story/30929/wikileaks-comment-washington-voit-monde
http://www.slate.fr/story/30851/wikileaks-israel-attaque-iran-nucleaire
Et accessoirement, Hillary Clinton a probablement perdu toute chance de devenir président des États-Unis